Iaïdõ

Le véritable laïdo peut se définir à la fois comme une technique et comme un état d'esprit. Et c'est bien l'orientation qui lui est donnée de nos jours par tous ses pratiquants qui, à travers une gestuelle précise et immuable, recherchent une mobilisation totale de leur énergie, avec un engagement de l'être tout entier. Comme si de chaque mouvement dépendait leur vie ou leur mort. A la différence du Kendo qui a évolué vers le sport, il n'y a pas, en Iaïdo d'adversaire auquel on fait physiquement face. Tout est dans l'intention et la concentration, puis l'explosion du geste qui ne porte que, pour le spectateur, dans le vide. En réalité celui qui exécute le geste le "vit" d'une manière très intense et le fait que l'adversaire ne lui soit pas réellement opposé n'enlève rien ni à sa véracité ni à son efficacité.


Le Iaïdo, art de dégainer le sabre pour, si possible dans le même mouvement mettre dans l'instant fin à l'agression adverse (que celle-ci ait déjà connu un début d'exécution ou ait simplement été formulée mentalement) est un art martial purement défensif dans son essence même. II n'est pas vraiment fait pour le combat, une fois celui-ci engagé, lames des adversaires hors de leurs fourreaux : on entre alors dans le domaine du Ken-Jutsu (art de manier le sabre lorsqu'il est déjà hors du fourreau) ancêtre du Kendo. Le "temps" d'application de la technique et de l'esprit du Iaï est précis et court. Lorsque le sabre jaillit du fourreau pour trancher dans le même éclair d'acier, c'est toute l'énergie interne du Samouraï et toute son âme concentrées sur le fil tranchant de la lame. Celui-ci réussi à placer son mouvement dans le "temps ", et il survit ou il accuse un décalage entre son intention et son action, et il meurt.

 En Iai-Jutsu il n'y a pas de seconde chance. L'enjeu du mouvement, unique, est vital. D'où la nécessité d'une concentration totale. Au fond, que l'adversaire soit réellement là ou seulement imaginé ne change rien à l'affaire. C'est pourquoi, contrairement au Ken-Jutsu l'entraînement au Iaïdo se fait seul, sans partenaire. De tout temps le sabre était considéré au Japon comme l'âme du guerrier. Son acier, forgé selon un procédé traditionnel transmis de génération en génération, le reliait à la vie et à la mort, deux conceptions opposées dans la compréhension purement intellectuelle mais que le Samouraï devait arriver à dépasser, pour les concilier, en réalisant la vraie "connaissance " (satori), ce qui ne pouvait intervenir qu'à l'issue d'un très long entraînement accompagné d'une recherche intérieure dépassant le cadre de la simple technique. Ainsi intervenait chez le Samouraï pur et dur un changement d'état d'esprit qui lui faisait reconnaître dans son sabre une double finalité: bien sûr trancher toute menace extérieure contre son intégrité physique mais aussi "trancher l'ego" afin que puisse se réaliser le véritable éveil spirituel. Dégainer et trancher d'un seul geste... Unité de sensation, de volonté et d'action... On comprend, avec une telle optique que le sabre peut être à l'origine d'un développement spirituel de celui qui s'identifie à ce point avec lui. Le lai-do est donc l'une des formes de "forge de l'esprit" au même titre que d'autres arts martiaux japonais classiques où la notion de " Do " a prit le pas sur celle de "Jutsu ". Un canevas technique à travers lequel l'homme apprenait autrefois à survivre sur un champ de bataille et, depuis plus d'un siècle où l'arme à feu a déclassé l'arme blanche, à l'intérieur duquel il peut "se réaliser" en vivant intensément un geste par définition gratuit.


C'est la raison pour laquelle de plus en plus de budokas se tournent vers l'étude du laïdo, qu'ils s'y consacrent tout entier où qu'ils pratiquent cet art conjointement à un autre art martial: parti du milieu Kendo, l'intérêt pour le laïdo a rapidement grandi dans les milieux Aïkido, Karatédo, Judo. Au prix d'une pratique longtemps aride et toujours austère, le laïdoka apprend à ressentir la "justesse" d'une technique, une sensation nouvelle qui lui ouvre un jour la porte de la plénitude et de la sérénité. L'art du laïdo est, de par la nécessité du dépouillement interne qui doit présider à l'acte, et de par son exigence d'engagement à la fois total et contrôlé de soi, une école de volonté et de maîtrise. Au Japon, en Amérique et en Europe, des dizaines de milliers de pratiquants ne s'y sont pas trompés, et ils voient dans le laïdo transmis par les Maîtres du sabre un autre point fort d'une Tradition permettant à l'homme en quête de soi-même de vaincre toutes les formes d'agression que lui oppose la civilisation moderne. En laïdo, la lame faite pour détruire, finit par créer.